AVANT-PROPOS
Après
six mois de séjour en Serbie, d'avril à septembre 1915, j'ai pris part,
en octobre, novembre et décembre, à la désastreuse retraite — la
Béjania —, à laquelle non seulement toute une armée, mais encore on
peut dire toute une nation, se vit contrainte par l'invasion
simultanée, irrésistible comme un torrent, des Allemands, des
Austro-Hongrois et des Bulgares. Ce sont ces heures tragiques que je raconte brièvement ici.
Les
pages qui suivent n'ont point d'autre but que celui de fixer le
souvenir exact de réalités qui furent douloureuses. Elles apporteront
peut-être un document de plus, un document vécu, à l'ensemble déjà si
considérable de ceux qui permettront d'écrire l'histoire de ce temps.
Elles ne contiennent que la rapide mise en œuvre, exécutée sans aucune
préoccupation de l'effet littéraire, des notes que je prenais au jour
le jour, à chacune des étapes de notre fuite précipitée, notes écrites
hâtivement dans des campements de fortune, parfois assis sur une pierre
au bord de la route.
Il n'y aura qu'à
écarter tout ce qu'elles ont de personnel, pour se rendre compte de ce
que fut l'exode tragique d'une armée et d'un peuple. L'armée s'est
reformée et peut aujourd'hui faire face à l'ennemi, dans la certitude
de la victoire finale.
Quant à la vaillante
petite nation serbe qu'ils avaient cru tuer, elle n'est pas morte !
Malgré tout ce qu'elle a souffert, elle garde devant elle la vie et les
promesses éclatantes de l'avenir.
L.-L. THOMSON